Le Tour du Monde

le moteur principal de l'aventure qui conduit Magellan


Selon le point de vue matérialiste des historiens officiels, le moteur principal de l'aventure qui conduit Magellan à accomplir son tour du monde serait la quête des épices (poivre, safran, musc, cannelle, etc.). En provenance des Indes, des Célèbes, de Bornéo, de Sumatra et des Moluques, ces denrées sont prisées sur les tables raffinées d'Europe, mais leurs prix sont prohibitifs depuis que les Turcs contrôlent la Méditerranée orientale.

Ces épices, toutes les nations européennes s'y intéressent. Venise et Gênes en font le commerce avec les ports d'Alexandrie et de Constantinople. Le roi d'Angleterre Henri VII envoie Giovanni Caboto, que les Anglais appellent John Cabot, qui estime que l'on peut, par le nord de l'Amérique, atteindre les Indes – expédition qui le mène aux froids rivages de Terre-Neuve. Les Catalans en importent depuis Beyrouth ou la Syrie; les Portugais choisissent la voie africaine, s'établissent à Calicut, Goa et Ormuz, puis à Malacca en 1511. Ils atteignent les Moluques en 1512: Lisbonne devient la capitale européenne des épices.

L'année suivante, Vasco Núñez de Balboa découvre les Mers du Sud. Est-il possible d'éviter le long chemin contournant l'Afrique ? Les navigateurs espagnols, portugais et anglais, cherchent le passage le long des côtes de l'Amérique septentrionale. Comme ses contemporains, Magellan pense que les continents sont de gigantesques îles, et qu'en longeant la côte du Nouveau Monde vers le sud, il touvera le passage vers l'autre mer. Ces explorations s'inscrivent dans le cadre légal des ordonnances fixées à l'Espagne et au Portugal par le souverain pontife Alexandre VI (1493) et par le traité de Tordesillas (1494): les deux nations rivales se partagent le monde, la frontière qui délimite leurs espaces respectifs passe à 370 lieues à l'ouest du Cap Vert, en plein Océan Atlantique. Rien n'étant précisé quant à l'«anti-méridien», les Espagnols s'estiment autorisés à prendre possession des îles aux Epices dont les coordonnées ne sont pas clairement établies.
Magellan

Fernão de Magalhães est né en 1470 ou 1480 au Portugal, dans une famille de petite noblesse. Orphelin à l'âge de 11 ans, il devient page de la reine Leonor de Lancaster. Est-ce le spectacle de l'escale que fit Christophe Colomb à Lisbonne en mars 1493 qui éveille son désir d'aventures ?
Il acquiert une solide expérience de marin en naviguant autour de l'Afrique (Tanzanie, Mozambique, Kenya, Madagascar) sous les ordres du premier vice-roi de l'Inde Francisco de Almeida en 1505, de Nuno Vaz de Pereira en 1506 et du général Diego Lopes de Sequeira en 1508. Il prend part à de rudes combats contre les indigènes au cours desquels il sauve la vie de Sequeira et de Francisco Serrão. Il participe, avec le nouveau vice-roi Afonso de Albuquerque, à la conquête de Goa – capitale de l'Inde portugaise de 1510 à 1961– et de Malacca, qui restera sous la bannière du Portugal pendant 130 ans.

Revenu au Portugal, il s'engage dans la grande expédition africaine de Jaime de Braganza (1512-1514): il est blessé au Maroc et accusé d'irrégularités dans le partage d'un butin. Le roi Dom Manuel lui refuse honneur et récompense. Il tombe en disgrâce.
C'est alors que Magellan reçoit des nouvelles de son ami Francisco Serrão, établi aux Moluques et qui le presse de venir le rejoindre. N'obtenant rien de son pays, le Portugal, il se rend à Séville, en compagnie de son compatriote le cosmographe Ruy Faleiro, avec qui il rédige son projet de découverte des îles des Épices destiné au roi d'Espagne. Là, il fait la connaissance d'un autre Portugais, Diego de Barbosa, titulaire du prestigieux titre d'Alcalde des Arsenaux de Séville, qui lui donne la main de sa fille Beatriz, l'introduit à la Casa de la Contratación dont l'inspecteur principal, Juan de Aranda, lui apporte son aide. Son beau-père lui obtient une audience royale à Valladolid en janvier 1518. C'est ainsi que sont signées des capitulaciones entre Charles Ier et les deux requérants.

Le Portugal voit d'un mauvais œil cette concurrence : l'on songe à éliminer physiquement le navigateur. L'Espagne, pourtant engagée dans le projet, redoute l'entreprise en raison de l'origine portugaise de son initiateur.